Sur quelles bases refonder les contrats « solidaires et responsables » des organismes complémentaires ? Quels enseignements tirer de la première génération de ces garanties, instaurées au début des années 2000 ? Comment en faire un levier efficace pour parvenir à la généralisation de l’accès aux complémentaires santé, fixée à l’échéance 2017 par François Hollande ? Ces questions sont au cœur du « point de vue » publié aujourd’hui dans Les Echos (page 12) par le président de la Mutualité Française.
Le président de la Mutualité Française signe dans Les Echos (page 12) un « point de vue » sur les nouveaux enjeux des contrats responsables pour l’accès aux soins. Comme le rappelle Etienne Caniard, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 a prévu une refonte de ces contrats. Leur objectif initial était, en contrepartie d’une fiscalité incitative, de garantir aux assurés sociaux une absence de sélection médicale (d’où le terme de « solidaires »), tout en valorisant le parcours de soins coordonnés, mis en place en 2004 par les pouvoirs publics (« responsables »).
Hélas, estime le président de la Mutualité Française, ces contrats « n’ont pas atteint leur but ». Cela pour deux raisons. La première tient au fait que « le caractère incitatif de leur fiscalité a été largement érodé par des hausses successives de taxes provoquant des augmentations de tarif aux dépens des assurés ». L’autre raison est que « les critères définis pour ces contrats responsables étaient insuffisamment sélectifs », écrit Etienne Caniard.
Dès lors, comment aborder la définition de cette nouvelle génération de contrats solidaires et responsables ? Pour les mutuelles, les objectifs visés doivent être d’améliorer « la qualité de l’offre complémentaire santé », d’encourager par la fiscalité « les comportements conformes à l’intérêt général » et surtout « de maîtriser les dépenses de soins qui ne sont plus ou mal prises en charge par l’assurance maladie ». On pense bien sûr à l’optique et aux dépassements d’honoraires.
A ce sujet, le président de la Mutualité Française entend mettre en garde contre une proposition émanant de certains syndicats médicaux qui risque fort d’être contreproductive. Elle consisterait à instaurer, dans le cadre des contrats responsables, un plafond de remboursement des dépassements d’honoraires par les complémentaires à « 150 % au-delà du tarif de la Sécurité Sociale ». Autrement dit, le tarif d’une consultation de spécialiste, qui est de 28 euros en secteur 1, pourrait passer à 70 euros (2,5 fois plus) et la pose de prothèse de hanche, facturée à 460 euros, pourrait atteindre… 1 150 euros !
Outre le fait que de tels dépassements ne sont pratiqués aujourd’hui que par 2 % des médecins et ne constituent donc pas du tout un standard, un tel seuil de plafonnement donnerait « une apparence de légitimité à tout dépassement inférieur à ce niveau ». Un risque explosif ! « Cette libéralisation des prix provoquerait inéluctablement une flambée des dépassements et donc des renoncements aux soins. »
Qualifié donc de « laxiste » par Etienne Caniard, ce choix ferait fi de la maîtrise des dépenses de santé et pénaliserait fortement l’accès aux soins. Déjà, rappelle-t-il, plus de 10 millions de Français ont renoncé à des soins de santé en 2013, sans parler des 2,5 millions qui, privés de mutuelles, s’en sont abstenus deux fois plus que les autres. Il serait également néfaste aux 75 % de médecins qui « respectent les tarifs de l’assurance maladie et attendent toujours une juste rémunération de leur activité ».
« Une autre voie existe, annonce-t-il. Elle est celle de la responsabilisation de tous les acteurs. » Cette responsabilisation concerne d’abord les assurés sociaux, à qui doit être garantie « une couverture complémentaire efficace, à cotisations maîtrisées » et prenant en charge « des soins de qualité ». Le président de la Mutualité Française propose que les contrats responsables n’intègrent pas le remboursement des médicaments considérés comme « inefficaces » et des dépassements d’honoraires « déraisonnables ». A contrario, il pourrait être envisagé, toujours dans le cahier des charges des contrats responsables, « le relèvement de la prise en charge de 95 à 100 % » pour les médicaments à vignette blanche, dès lors qu’il s’agit de génériques.
Du côté des médecins et des complémentaires, l’autre responsabilisation, souligne Etienne Caniard, ferait des contrats responsables un « réel soutien » au contrat d’accès aux soins prévu dans l’avenant n° 8 de la convention nationale des médecins d’octobre 2012. Les contrats d’accès aux soins sont ouverts aux médecins à honoraires libres (secteur 2) dont la moyenne des dépassements n’excède pas 100% du tarif de la Sécurité sociale ; il suggère la possibilité de « prendre en charge les dépassements jusqu’à ce niveau pour les médecins ayant opté pour le contrat d’accès aux soins ».
Hors contrat d’accès aux soins, la prise en charge complémentaire devrait être limitée à un niveau inférieur à la moyenne des dépassements pratiqués (80%) : « Nous proposons 50% pour favoriser clairement le contrat d’accès aux soins », avance Etienne Caniard.
Enfin, pour que ce « niveau d’exigence accru, partagé par tous les acteurs » puisse être soutenu par « une fiscalité adaptée et incitative », l’Etat doit orienter prioritairement ses aides vers ces contrats solidaires et responsables, termine le président de la Mutualité Française.
Etienne Caniard recommande de « flécher » ces aides vers des contrats vraiment responsables pour plus d’efficience. Le choix du gouvernement est « déterminant », insiste-t-il. « Comment imaginer que les 10 millions de Français qui renoncent à des soins et l’immense majorité des médecins soient pris en otage par une poignée de professionnels pour lesquels la perspective de dépassements d’honoraires sans limite est le seul objectif ? »
Frédérique Lavignette