Pouvez-vous nous préciser quelles ont été les actions menées par l’association pour lutter contre l’obésité et le surpoids, notamment infantiles ? Et quels résultats avez-vous obtenus ?
Catherine Portas : Il y a 15 ans, nous avons lancé un cri d’alarme « Obésité, protégeons nos enfants », lors duquel nous réclamions l’encadrement du marketing alimentaire. Une des avancées alors obtenues, ce fut l’obligation de l’équilibre alimentaire dans les cantines scolaires. Mais ce n’était pas suffisant, rien n’a été mené en matière de marketing, puisqu’on a observé par la suite que 88 % des publicités vues par les enfants concernaient toujours des aliments particulièrement caloriques (confiseries, biscuits, boissons très sucrées…).
Depuis 2011, les industriels sont obligés par l’Union européenne, d’afficher sur leurs produits un tableau d’informations nutritionnelles sur les quantités de sucre, graisses, sel et glucides. Cela s’avère, là encore, très insuffisant : ces données sont souvent en caractères minuscules, et sont incompréhensibles pour 92 % des consommateurs.
Un seul outil se montre pour l’heure efficace, le logo Nutri-Score, conçu par Santé Publique France en 2017, en s’appuyant plus particulièrement sur les travaux du Professeur Serge Hercberg (professeur émérite de nutrition à Paris-Sorbonne Nord). Cet étiquetage, clair, et plébiscité par les consommateurs, favorise l’achat des produits aux meilleures qualités nutritionnelles.
Aujourd’hui, le Nutri-Score est officiel dans 6 pays de l’Union européenne (France, Belgique, Espagne, Luxembourg, Allemagne et Pays-Bas), mais il n’est pas encore obligatoire, du fait des nombreuses attaques de lobbys industriels de l’agroalimentaire. En France, 40 % des produits alimentaires commercialisés n’apposent pas ce logo sur leur emballage.
Le Parlement avance néanmoins sur ce sujet, puisqu’il a voté, en octobre 2021, le principe d’un étiquetage nutritionnel simplifié obligatoire, dont le format n’est pas encore défini. Le Nutri-Score ayant démontré son efficacité, il serait logique de choisir ce logo au niveau européen. L’UFC-Que Choisir milite en ce sens.
Sur le terrain, vous avez donc mené une campagne d’informations, de mobilisation, avec « Affiche ton Nutri-Score ». Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Cette campagne s’est déroulée en plusieurs étapes : nous avons dans un premier temps analysé les qualités nutritionnelles des aliments typiques de nos régions afin de leur attribuer un Nutri-Score. En Bretagne, cela a concerné, par exemple, le coco de Paimpol, le kig ha farz, les crêpes sucrées… Il en résulte que ces produits se répartissent sur toutes les catégories du Nutri-Score, avec une forte majorité sur les scores A, B et C.
Les résultats ont été communiqués à la Commission européenne par chaque association locale de l’UFC-Que Choisir, ainsi qu’aux parlementaires bretons. L’objectif est d’obtenir l’utilisation du Nutri-Score au niveau européen, mais aussi d’inciter les acteurs locaux et nationaux à faire barrage aux lobby des industriels, qui tentent de décrédibiliser l’utilisation de ce logo. Or, bien au contraire, nous sommes persuadés que l’utilisation du Nutri-Score par les industriels les inciterait à améliorer leurs recettes.
Nous sommes ensuite allés à la rencontre des consommateurs, dans les supermarchés, pour démontrer l’intérêt du Nutri-Score. Cela a concerné deux supermarchés dans le Morbihan.
Les clients ont pris conscience que certains aliments d’une même famille n’obtenaient pas le même Nutri-Score, qu’il ne faut pas s’interdire de consommer des produits D ou E, et ils ont été très étonnés de voir que les produits bio n’étaient pas toujours les mieux classés.
Dans les rayons de ces supermarchés, nous avons également, de manière éphémère, apposé des affichettes « Affiche ton Nutri-Score » sur les produits qui ne le mentionnent toujours pas.
Quelles évolutions attendez-vous maintenant ?
Nous attendons tout d’abord beaucoup de la Commission européenne pour rendre obligatoire le Nutri-Score, et non un autre modèle d’étiquetage, dans tous les pays de l’Union européenne.
Les modalités de calcul du Nutri-Score doivent également évoluer, pour mieux prendre en compte nos connaissances sur l’alimentation et la santé qui se sont accrues ces dernières années. C’est le constat d’un comité scientifique composé de chercheurs européens indépendants.
Ces évolutions attribueront de nouveaux scores à nos aliments et boissons, et pénaliseront davantage les produits trop sucrés ou trop salés. Le nouvel algorithme prendra également en compte la teneur en graisses saturées. Ainsi, par exemple, les huiles d’olives et de colza passeront de C à B, alors que les autres huiles resteront C, D ou E.
Le classement des laits sera lui aussi profondément modifié : une distinction sera faite entre le lait écrémé et le demi-écrémé, un yaourt à boire, aujourd’hui B, sera classé D ou E demain, car il contient souvent autant de grammes de sucre qu’un soda.
Les sodas et les jus de fruits ne devraient pas connaître de modifications importantes.
Il demeure cependant un bémol aujourd’hui : les aliments ultra-transformés, et qui contiennent de nombreux additifs qu’on ne prend pas en compte dans le calcul du Nutri-Score.
Il faudra y réfléchir…
En attendant de nouvelles évolutions, le comité scientifique propose qu’un bandeau noir figure autour du Nutri-Score pour alerter les consommateurs.