Cultivons les interactions : la biodiversité en Bretagne

La Bretagne, entre terre et mer, abrite une faune et une flore très variées. Cette biodiversité est indispensable à la vie et intimement liée à la santé, l’alimentation, la régulation de la qualité de l’eau et de l’air. Quels défis peut-on relever pour protéger cette richesse ? Comment le secteur économique peut-il être un levier pour préserver la biodiversité ?
Rencontre avec Ronan Le Guen, chef d’une entreprise d’insertion et membre du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional de Bretagne (CESER).

Comment décririez-vous la biodiversité dans notre région ?

Ronan Le Guen, membre du CESER, co-rapporteur avec Sylvie Magnanon de l’étude sur la biodiversité « Biodiversité et société en Bretagne : cultivons les interactions ! » (lien), Président de la SAS Tribord.

Lorsque nous avons commencé à travailler sur cette étude, on entendait parler beaucoup d’environnement et de problématiques liées, par exemple, au réchauffement climatique, mais la biodiversité n’était pas forcément un sujet très médiatisé.

Pour réaliser cette étude, le CESER s’est appuyé sur des travaux scientifiques, ainsi que sur de multiples exemples d’actions engagées en Bretagne (par des associations, syndicats, entreprises, collectivités…). Cette étude répond à un vrai enjeu et nous a permis de prendre conscience que ce sujet était extrêmement complexe et important parce qu’il nous touchait au quotidien. Les différents entretiens et rencontres que nous avons faites, nous ont fait prendre conscience de l’importance des interactions. La biodiversité, ce n’est pas une fourmi par-ci et une abeille par-là, c’est l’interaction entre tous les êtres vivants, y compris les êtres humains, pour avoir un environnement qui soit compatible avec la vie, tout simplement, c’est notre « assurance-vie ». C’est pourquoi nous avons intitulé notre rapport « Cultivons les interactions ». Dès que l’homme intervient, potentiellement ça peut être dangereux parce qu’il peut provoquer des déséquilibres…

Pour revenir à votre question, nous étions tous persuadés que la région Bretagne était une région très protégée, très naturelle. Or, lorsque nous avons rencontré des scientifiques ou des responsables d’associations, nous avons réalisé que la Bretagne est un territoire extrêmement urbain et agricole, où l’empreinte humaine est omniprésente. C’est un des points qui nous a troublés : le paysage breton a été beaucoup transformé par l’homme, et c’est une réalité dont il faut tenir compte. Le bocage, ce n’est pas un état naturel, c’est l’homme qui l’a créé. Des territoires ont été gagnés sur la mer aux XIVè-XVè siècles, des marécages ont été transformés en zones fertiles… et ce bien avant l’industrialisation.

Votre rapport lance des défis aux Bretons : pourriez-vous nous dire quelques mots sur la Breizh Cop (lien) ?

Ronan Le Guen : La Breizh Cop, c’est une déclinaison de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat ou COP 21 (lien). Son but est d’atteindre des objectifs de développement durable sur un horizon assez court, 2040.  La Bretagne s’inscrit dans une démarche volontariste au travers de cet outil, la Breizh Cop, afin de suivre et de mesurer l’évolution et l’avancée de plusieurs indicateurs. C’est donc une feuille de route pour le Conseil régional, mais également à destination des territoires pour accompagner les Bretonnes et les Bretons vers des objectifs de réduction de CO2, de réduction de déchets et d’impact sur l’environnement et la biodiversité.

La Mutualité Française promeut une approche globale de la santé, y compris au travers de ses actions santé et environnement. Vous allez plus loin avec l’approche « Un monde, une santé » : pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Ronan Le Guen : L’être humain, s’il n’y avait pas la biodiversité, ne pourrait pas exister. Préserver la biodiversité, c’est donc préserver la vie. Par exemple, beaucoup de médicaments aujourd’hui proviennent de molécules qui ont été trouvées dans les plantes, les insectes, les animaux.

Le terme « Un monde, une santé » vient de « One world, one health ». Nous inscrivons notre travail dans cette dynamique-là. Pour nous, la biodiversité, c’est vraiment quelque chose qui est transverse, qui relie les êtres vivants, et nous faisons partie de cette chaîne. Et donc, si on casse la chaîne en amont, forcément nous, de notre côté, on en paiera le prix à la fin. La santé, ce n’est pas seulement avoir de l’air pur, c’est avoir justement cette biodiversité qui permet d’avoir potentiellement une alimentation diversifiée pour ne pas dépendre d’une seule alimentation. L’approche « un monde, une santé » suggère que humains, non humains et environnement sont liés, et que la santé des uns impacte celle des autres, positivement ou négativement.

Vous êtes aussi Président de la SAS Tribord, entreprise d’insertion qui intervient dans le secteur du tri, de la collecte et de la valorisation des déchets. En quoi le recyclage ou le tri des déchets peut-il être un levier pour la biodiversité ? 

Ronan Le Guen : Puiser dans un capital ressource n’est pas viable à long terme. Le tri des déchets et le recyclage permettent d’éviter l’épuisement de ces ressources et donc de préserver la biodiversité.

Pour faire le lien avec notre étude, on doit réfléchir à notre impact dans le temps. Aujourd’hui, on vit dans un monde où l’on veut des réponses rapides, mais la biodiversité se détruit souvent assez lentement et d’une façon imperceptible. Et pour la reconquérir, ça prend aussi énormément de temps.

La région Bretagne a des objectifs extrêmement ambitieux pour réduire les déchets et préserver l’environnement, mettre en place des solutions pour augmenter le recyclage, la réutilisation des produits afin de réduire son empreinte. Et Tribord, notre entreprise, qui est spécialisée dans le tri des déchets, travaille beaucoup auprès des collectivités pour favoriser le tri, particulièrement auprès des usagers. Notre entreprise a  d’ailleurs commencé à développer une filière du tri du plastique en vue de recyclage.

L’économie circulaire et le zéro déchet peuvent-ils être à la fois au service de l’insertion professionnelle et de la biodiversité ?

Ronan Le Guen. L’objectif à terme, c’est de produire le moins de déchets possible, et faire en sorte que des filières locales puissent réutiliser les déchets issus des cycles de production. Ça nous paraît être un objectif très intéressant et sur lequel nous souhaitons travailler parce que ça ne se fait pas tout seul. Il faut à la fois créer les filières et créer les interactions entre tous les producteurs. Tout ça, à mon avis, sera créateur d’emploi, ça l’est déjà d’ailleurs.

Comment peut-on intégrer une politique de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) dans l’entreprise ?

Ronan Le Guen. Le constat que l’on a fait lors de l’étude, c’est qu’il y avait dans les entreprises une appétence forte aujourd’hui de la part des salariés pour que le travail qu’ils réalisent soit en adéquation avec certaines idées, concernant justement le respect de l’environnement, la préservation de la biodiversité. Et que beaucoup d’entreprises ont des personnes motivées pour, à leur niveau, travailler sur ce sujet. Les employeurs également… beaucoup d’entreprises ont une volonté d’être inscrites en tant qu’acteurs responsables. Ce sujet est plutôt fédérateur entre les employeurs et les salariés.

Est-ce qu’il y a des outils, des façons de faire qui permettent d’intégrer cette politique ?

Ronan Le Guen. Oui, justement. C’est ce que l’on souhaite et ce que l’on propose dans notre rapport rendu à la Région : que cet aspect biodiversité soit pris en compte à tous les niveaux et par tous les services de la Région puisque c’est à elle d’infuser la réflexion sur la biodiversité. La Région a fait un très gros travail sur les achats responsables : aujourd’hui, il est possible de réfléchir aux impacts sur la biodiversité, la protection de l’environnement ou aussi sur l’insertion des personnes en difficulté. Il existe donc aujourd’hui des leviers pour mettre en avant ces offres. Les acheteurs publics représentent en effet un volume d’achats en France extrêmement important. On peut donc dynamiser les achats publics sur d’autres aspects que la qualité ou le prix. Et la Région a d’ailleurs travaillée sur des grilles d’analyse, d’accompagnement pour que cette plus-value puissent être mise en avant dans les appels d’offres. Et je pense que c’est là quelque chose de très important à mettre en avant de créer des leviers pour atteindre ces objectifs volontaristes.