22 ans, étudiantes en pharmacie, comment voient-elles l’avenir ?

Joséphine, Mathilde et Ninon, étudiantes en pharmacie à Rennes, nous parlent de leur futur métier : comment comptent-elles l’exercer ? Quelles solutions face aux déserts médicaux ? Quel rôle les pharmaciens peuvent-ils jouer ? Comment articuler vie pro et vie perso ? Et la prévention dans tout cela … ?

Joséphine, Mathilde et Ninon, 22 ans toutes les trois, vous êtes étudiantes en pharmacie et membres de l’association AAEPR (Association Amicale des Étudiants en Pharmacie de Rennes). Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette association ?

Elle est au service des étudiants et vise à les accompagner tout au long de la scolarité, qu’il s’agisse des études, de l’orientation, de la vie sociale, de la santé… Nous organisons par exemple des événements sportifs ou festifs avec des partenaires, nous représentons la filière sur les salons étudiants, et nous menons des actions de prévention santé pour les étudiants sur des sujets qui varient selon la période. Par exemple, récemment, nous avons organisé des actions sur les violences sexuelles et sexistes, ou encore sur la santé mentale. La précarité étudiante est aussi un sujet d’actualité qui nous intéresse.

Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir ce métier ?

Joséphine (J) : j’aime le volet scientifique du métier et je voudrais avoir un impact direct sur la population. J’envisage la filière industrie. Il pourra par exemple s’agir de toxicologie, de pharmacovigilance, ou d’essais cliniques dans un but de recherche (tester de nouvelles molécules).

Mathilde (M) : j’aime l’aspect pluridisciplinaire du métier. Un professeur m’a dit un jour que nous étions les « polytechniciens de la santé ». Je suis intéressée par la pharmacologie, la chimie, et la santé publique. Je pourrais par exemple devenir pharmacien des affaires règlementaires, métier qui allie des connaissances juridiques et un intérêt pour la santé publique.

Ninon (N) : A moyen terme, je suis intéressée par les PUI (pharmacies à usage intérieur). Elles répondent aux besoins des personnes prises en charge dans un établissement de santé. Je pourrais par exemple travailler sur la délivrance de médicaments hospitaliers, le cadre réglementaire et logistique. A plus long terme, pourquoi pas devenir pharmacienne pour la Sécurité Sociale.

Aucune de vous ne souhaite exercer en officine ?

La moitié des étudiants se dirige vers cette filière. La majorité des étudiants travaille déjà en officine l’été ou ponctuellement. Cela permet d’avoir un salaire pour payer son loyer par exemple.

Nous n’excluons pas de travailler en officine dans une deuxième partie de carrière. C’est une question d’appétence et de personnalité.

Le diplôme français est aussi bien reconnu à l’international ce qui ouvre encore d’autres possibilités.

 

On parle beaucoup de désertification médicale et du manque de professionnels de santé, dans un contexte où les gens vivent plus vieux, avec plus de maladies chroniques. Cela touche toutes les professions médicales, la vôtre aussi. Est-ce que cela n’a pas été un frein dans votre choix de carrière ?  Quelles solutions selon vous ?

La majorité des étudiants qui choisit la voie officinale souhaite justement retourner dans sa ville/village d’origine.  Les désertifications médicales ne sont donc pas un frein pour nous, et nous contribuons, par cette démarche, à lutter contre.

En revanche, nous souffrons d’un manque de reconnaissance de la profession. Les pharmaciens sont souvent dénigrés par rapport aux médecins. Par exemple, il est injustifié de n’autoriser les pharmaciens à vacciner qu’en 4e année d’étude, alors que les médecins le peuvent dès la 2e année. Leur niveau de connaissance est pourtant équivalent. Par ailleurs, le métier est méconnu. Les gens ne savent pas qu’il y a au moins 6 ans d’études, que nous écrivons une thèse.

Tout cela peut freiner les nouvelles générations à suivre cette voie. De ce fait, nous manquons de candidats. Il faut montrer qu’on a besoin des pharmaciens et qu’ils sont bien souvent le premier contact qualifié lorsqu’on a un problème de santé.

Il faudrait aussi plus de moyens pour pouvoir augmenter le numerus clausus.

Le métier de pharmacien est-il différent aujourd’hui d’avant ?

Oui c’est très différent.
Les gens se renseignent aujourd’hui beaucoup sur Internet. Ils y trouvent souvent des informations contradictoires. Ils viennent donc nous voir avec beaucoup de questions, et il nous faut être parfaitement au fait des interactions médicamenteuses, des contre-indications …
Ce qui n’a pas changé c’est que la pharmacie reste le seul endroit où les gens peuvent parler à un professionnel de santé sans rendez-vous et poser des questions. C’est la première porte que l’on pousse.

La désertification médicale a pour conséquence que les pharmaciens qui sont installés en campagne vont être davantage sollicités pour poser des diagnostics, notamment sur des problèmes dermatologiques ou de podologie.

Le métier de pharmacien peut être prenant : il y a des gardes, il faut travailler le week-end. Comment voyez-vous l’articulation avec votre vie personnelle ?

Notre génération, la génération « Y », ne fera pas le même métier toute sa vie. Il y a beaucoup de jeunes pharmaciens qui font des remplacements pour voir du pays puis qui veulent à terme se poser, acheter une pharmacie.

N: Exercer dans le milieu hospitalier est aussi contraignant en termes de plages horaires. Le pharmacien peut être sollicité à tout moment. Cela fait partie du projet. En ce qui me concerne, c’est entre autres pour cela que j’envisage de passer le concours de la Sécurité sociale d’ici 10 à 15 ans.

M : Les gardes en officine sont souvent conciliables avec la vie personnelle dans la mesure où le pharmacien réside souvent à proximité de sa pharmacie. Dans l’industrie, il faut être très disponible. Cela fait partie du lot et nous irons en connaissance de cause. On choisit ce métier par passion donc nous sommes prêtes à nous engager pleinement, mais j’insiste sur le manque de reconnaissance qui peut être un frein.

Quid de la prévention, sujet souvent remis en haut des priorités en santé par le gouvernement, mais où nous sommes en retard par rapport à d’autres pays européens ?

Nous sommes très formés à ce sujet et il est très présent dans notre vie étudiante, notamment grâce aux réseaux sociaux (Facebook et Instagram notamment).

Nous menons des actions concrètes pour les étudiants (préservatifs, addictions, violences sexuelles et sexistes…).

La nouvelle génération de pharmaciens fera beaucoup plus de prévention santé que celle d’avant car nous connaissons de plus en plus de choses en la matière. Nous savons que certains déterminants de santé sont prégnants (addictions, exercice physique, alimentation…) et aujourd’hui, on meurt plus de maladies chroniques que de maladies aiguës.

C’est le premier rôle du pharmacien et de tous les professionnels de santé.

Est-ce que vous comptez rester travailler en Bretagne ?

J : L’industrie pharmaceutique est peu présente en Bretagne. Pour moi, ce sera Paris ou l’étranger.

M : Dans un premier temps, ce sera Rouen, Paris ou Lyon, c’est là que se trouvent les postes en industrie. Je serai ensuite heureuse de revenir en officine en Bretagne dans un second temps.

N : Je ne sais pas encore. Je vais sans doute quitter Rennes et la Bretagne.