Santé mentale et réadaptation : l’exemple du centre Kerpape

Le Centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de Kerpape situé à Ploemeur (56) porte depuis de nombreuses années une attention particulière à la santé mentale de ses patients. Rencontre avec le psychiatre Jean-Marc Le Romancer qui intervient une demi-journée chaque semaine au sein de cette structure pluridisciplinaire.

Comment le centre de Kerpape accompagne-t-il la santé mentale de ses patients ?

Des psychiatres de liaison effectuent régulièrement des vacations au sein du centre. Cette équipe, dotée de psychologues et de neuropsychologues, accompagne les patients sur des problématiques liées aux troubles du sommeil, à l’anxiété ou à la dépression. Elle travaille aussi à limiter les troubles psychiques chez les patients de type grands brûlés, amputés ou encore ceux présentant des pathologies psychiatriques plus conséquentes. Pour ces derniers, le centre a fait le choix, il y a quelques années, de renforcer son service dédié avec des infirmiers en psychiatrie.

Enfin, l’équipe, bénéficiant d’un secrétariat intégré, est adossée au service planification interdisciplinaire pour la gestion des rendez-vous médicaux et peut ainsi assurer une prise en charge optimale et un suivi autant que nécessaire des patients.

Y a-t-il une attention particulière portée au risque suicidaire ?

La gestion de ce risque reste un enjeu majeur. Dans les cas psychiatriques les plus graves, comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires, on estime à 10 % le taux d’actes autodestructifs. Il existe un réel besoin de rééducation lié à ces tentatives de suicide. Comme la prise en charge proposée par le centre de Kerpape repose sur la rééducation et la réadaptation, les traitements mis en œuvre n’entravent aucunement les capacités des patients. Nous travaillons en lien avec l’ensemble des équipes, rencontrons également les familles, et préparons l’organisation des sorties pour éviter toute rupture dans le suivi psychiatrique.

Avez-vous ressenti les impacts de la crise sanitaire ?

C’est surtout le 1er confinement qui a été dur pour les patients avec l’interdiction des visites et les soins de rééducation effectués en chambre. Le centre a dû se remédicaliser, se refermer sur lui, alors que Kerpape, en temps normal, est un lieu d’ouverture et de respiration pour les patients ayant subi une hospitalisation souvent très lourde. Les équipes ont dû faire preuve de beaucoup de pédagogie envers des patients davantage stressés, exprimant des incertitudes et des angoisses liées à la contamination du virus.

Ce confinement a été un facteur aggravant pour certaines pathologies psychiques, mais contrairement à ce qui a été dit, n’en a pas été la cause. Je ne suis jamais intervenu pour des difficultés liées directement au confinement. Si il y a eu des difficultés, c’est qu’il y avait déjà un terrain fragile, donc propice au développement de ces pathologies.

Le deuxième confinement a été moins difficile, le centre ayant pu fonctionner quasi normalement.

Y a-t-il eu un suivi particulier mis en place pour les soignants ?

Nous intervenons peu auprès des professionnels de santé : durant cette crise, ils sont restés, et restent très professionnels, centrés sur les patients. Les difficultés rencontrées par les personnels sont généralement inhérentes à la prise en charge des patients psychiatriques, avec des situations parfois complexes de violences envers autrui/envers eux-mêmes. Nous pouvons alors les éclairer sur les comportements à avoir (comme laisser faire ou agir ?) et les aider à décoder les pathologies psychiatriques. Les visites en chambre assurées par le psychiatre de liaison permettent également des temps d’échanges avec les équipes.

Comment les patients psychiatriques s’intègrent-ils au centre ?

Kerpape est tolérant, voire bienveillant : on n’y perçoit ni rejet ni stigmatisation. Il y a ici une réelle volonté de trouver des solutions et de donner sa chance à chacun pour sa rééducation, même et surtout pour des patients compliqués. Il existe quand même des limites, par exemple quand le patient devient dangereux ou qu’il y a un fort risque suicidaire. Un internement en psychiatrie devient alors nécessaire, la rééducation pouvant reprendre une fois le patient stabilisé. L’état de la personne doit en effet être compatible avec les autres personnes/résidents, mais en général, c’est le cas.

La rééducation des patients psychiatriques se fait au même rythme la plupart du temps. Il peut y avoir cependant des cas particuliers, avec des problèmes de logement, de rupture familiale, ce qui nécessite alors de monter un projet social.