Quand s’alimenter devient une épopée …

Epicerie solidaire

Les parcours de vie ne sont pas linéaires et nous amènent parfois dans des situations où les actes du quotidien deviennent difficiles, voire impossibles, comme faire ses courses par exemple.

Jean-Philippe Gréaud, animateur Pays de Loire, Bretagne et Indre-et-Loire pour le réseau ANDES (Agence Nationale de Développement des Épiceries Solidaires), nous parle de son association et de ce que les épiceries solidaires mettent en place pour aider à surmonter ces difficultés avec dignité.

Qu’est-ce que l’ANDES ?

L’ANDES agit pour l’inclusion et l’insertion durable des populations en situation de fragilité en développant des solutions innovantes autour de l’alimentation de qualité. C’est un réseau national fédérant environ 500 épiceries solidaires et animant un pôle d’approvisionnement composé de 4 chantiers d’insertion, « les chantiers de Marianne », qui fournissent en fruits et légumes les structures d’aide alimentaire tout en permettant à des personnes éloignées de l’emploi de se former et de travailler.

Elle a été créée en 2000 pour développer un modèle d’aide alimentaire participatif. Elle a pour mission d’accompagner les structures souhaitant créer une épicerie sociale ou solidaire, d’animer et de développer le réseau, de renforcer la professionnalisation des équipes et de trouver des solutions d’approvisionnement innovantes en produits de qualité.

Qu’est-ce qu’une épicerie solidaire ?

Les épiceries solidaires se présentent comme des épiceries classiques. Les clients bénéficiaires peuvent faire leurs courses en choisissant leurs produits, y compris des produits frais, moyennant une faible participation, inférieure en moyenne de 20% du prix usuel, respectant ainsi le goût, les cultures et les habitudes de chacun.

Les clients bénéficiaires, orientés dans les structures par les travailleurs sociaux, y ont accès pour une durée déterminée et sont amenés à définir un projet qu’ils souhaitent mener à bien pendant la durée d’accès à l’épicerie. Grâce au faible coût des produits achetés, une part plus importante du budget peut être consacrée à un projet ou une amélioration de la vie quotidienne.

Les épiceries sont aussi des lieux d’accueil, d’écoute et d’échanges. Elles rendent leurs adhérents acteurs.

Êtes-vous bien représentés en Bretagne ?

En Bretagne, 19 épiceries solidaires sont adhérentes au réseau ANDES. A cela s’ajoutent les épiceries en création ou celles qui souhaitent rejoindre le réseau, toutes accompagnées par l’ANDES. Un « diagnostic adéquation charte ANDES » sera notamment réalisé afin de mieux comprendre le fonctionnement de l’épicerie et ainsi savoir où elle se situe par rapport à la Charte ANDES (charte reconnue conforme à la charte nationale des épiceries sociales et solidaires).

La ruralité peut-elle rendre difficile l’implantation d’une épicerie ?

Il ne faut pas que la situation géographique des personnes en précarité soit un problème pour accéder aux dispositifs d’aide alimentaire.

C’est pour cela que le réseau ANDES tente d’apporter des réponses, en accompagnant les projets d’épiceries solidaires itinérantes, en milieu rural. A l’aide d’un camion aménagé, ces épiceries sillonnent les communes rurales afin de lever les freins à la mobilité et apporter des solutions aux personnes en précarité.

Nous sortons à peine d’une crise sanitaire majeure, comment votre réseau s’est-il adapté aux conditions sanitaires ?

Depuis 2 ans et le début de la crise sanitaire, les équipes (salariés et bénévoles) des épiceries du réseau ont réalisé un travail remarquable afin de maintenir un service de qualité auprès des clients bénéficiaires des épiceries.

Ainsi, elles ont su s’adapter en mettant en place les gestes barrières et en faisant évoluer leur fonctionnement comme en gérant le flux de personnes à l’intérieur de l’épicerie, en proposant le drive ou la livraison à domicile pour les plus fragiles …

Ce fonctionnement a éprouvé les équipes mais a permis à des milliers de personnes de continuer à avoir accès à une aide alimentaire de qualité.

L’ANDES a continué à accompagner les épiceries adhérentes grâce à des soutiens financiers exceptionnels, le maintien des contacts réguliers des animateurs auprès des épiceries, des échanges réguliers avec les services de l’Etat, la recherche de solutions d’approvisionnement locales pour les épiceries adhérentes …

Quel est le profil des personnes qui bénéficient des épiceries solidaires ? Avez-vous vu une évolution ces derniers mois avec l’augmentation du coût de la vie ?

Ce sont principalement des personnes touchant les minima sociaux, des travailleurs aux revenus modestes, des familles monoparentales, des étudiants, des personnes âgées aux petites retraites.

En 2020, les épiceries solidaires ont enregistré une augmentation d’environ 20% de leur fréquentation, et ont constaté l’apparition de nouveaux publics, non habitués à demander une aide alimentaire, notamment un plus grand nombre d’étudiants, les mères isolées, les travailleurs indépendants, les familles affectées par le chômage partiel.

Depuis le début d’année 2022, certaines épiceries constatent une augmentation des demandes de personnes avec des bas salaires. Compte tenu de l’inflation, des charges quotidiennes (essence, gaz) qui ne cessent d’augmenter, on peut s’attendre à une augmentation de ces profils dans les prochains mois.

Faites-vous du lien avec les autres acteurs du territoire ? (Pôle emploi, mission locale, CCAS …)

Afin d’assurer un accueil de qualité auprès du public, les épiceries solidaires s’entourent de différents partenaires en fonction de leur territoire et des projets qu’elles souhaitent développer.

Par exemple, les travailleurs sociaux (CCAS et Département), font partie intégrante du projet car ils instruisent les dossiers des personnes souhaitant accéder à l’épicerie solidaire.

Développer le réseau est essentiel sur de nombreux sujets tels que l’approvisionnement, l’accompagnement social, la mise en place de temps d’animation à destination des familles…

La Mutualité Française Bretagne a eu l’occasion de mener des actions de prévention à plusieurs reprises à destination des publics des épiceries, pouvez-vous nous partager les raisons de votre engagement pour la prévention ?

Au-delà des missions premières évoquées précédemment, les épiceries accompagnent sur de nombreuses thématiques : accès aux droits, gestion du budget, accès à la culture, départ en vacances, estime de soi, etc.

C’est dans ce cadre que la Mutualité Française Bretagne est intervenue auprès de certaines épiceries du réseau. Les actions de prévention y sont importantes car alimentation et santé vont de pair.

L’action « Ma fourchette change d’assiette ! » a permis d’aborder l’importance d’une alimentation équilibrée au quotidien avec un budget maîtrisé et surtout sans culpabiliser les personnes présentes. Des alternatives saines et simples ont été proposées pour tendre vers une alimentation équilibrée.

Les actions de prévention au sein des épiceries solidaires ont du sens quand la thématique est abordée de manière simple, sans jugement.