Élue à la MGEN du Finistère, Pascale Jaouen est également déléguée à l’AG de la Mutualité Française Bretagne. Depuis 2014, elle est mandatée par la Mutualité Française à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Finistère, elle y exerce son troisième mandat.
- Vous représentez la Mutualité à la CPAM 29 depuis 11 ans. Comment se traduit concrètement ce rôle au quotidien ?
La Mutualité est représentée par des conseillers mutualistes dans les conseils des CPAM, elle a donc une place reconnue dans notre système de protection sociale. Cela souligne sa pertinence et son utilité au service des assurés sociaux.
Mon rôle au quotidien est de rendre visible la Mutualité, et d’expliquer aux autres conseillers pourquoi nous sommes là, leur rappeler en quoi nous sommes différents des assureurs, et ainsi défendre notre modèle social et solidaire. Pour cela, dans toutes les instances dans lesquelles je siège : le Conseil, la commission d’Action Sanitaire et Sociale, les réunions de préparation du conseil, etc., je fais en sorte de prendre la parole pour faire valoir et défendre les positions de la Mutualité.
Je fais connaître également les actions réalisées par la MFB notamment en prévention santé, et il arrive que je sois amenée à répondre à des questions sur nos établissements médicaux-sociaux et sanitaires.
C’est d’autant plus important que les autres conseillers, représentants des employeurs, des syndicats et des institutions qui siègent au conseil de la CPAM, ne sont pas tous acculturés au monde mutualiste.
- Quelles évolutions marquantes avez-vous vues pendant ces trois mandats ?
Il y a plusieurs grandes évolutions qui me viennent en tête :
- Le reste à charge à zéro, plus exactement la réforme du 100% santé en dentaire, optique et audiologie, votée fin 2018 et mise en œuvre de 2019 à 2022 : une belle avancée sociale destinée à mettre fin au renoncement des Français à se soigner pour des raisons financières.
- La complémentaire santé solidaire ou CSS qui a été mise en place en 2019, née de la fusion de la CMU-C et de l’aide à la complémentaire santé. Il s’agit d’une couverture santé complémentaire gratuite ou à moindre coût, destinée aux personnes disposant de ressources modestes. Rappelons tout de même qu’elle est financée en grande partie par les complémentaires santé.
- Mon Espace Santé : lancé en janvier en 2022. Un bel outil numérique qui permet à chacun de stocker et de partager ses données comme ses documents de santé en toute sécurité, pour être mieux soigné.
- L’intégration du Régime social des indépendants (RSI) et des régimes Etudiants en 2018, la CNAMTS devenant alors la CNAM.
Il faut aussi malheureusement souligner la taxation des complémentaires santé qui est devenue pérenne et ne cesse de croître : une mauvaise solution car financée en bout de chaîne par nos adhérents qui voient leurs cotisations augmenter.
- La Sécurité sociale fête ses 80 ans en octobre 2025. Qu’est-ce que cela évoque pour vous, en tant que militante mutualiste ?
Une fierté. Elle existe toujours, au bout de 80 ans, et constitue le ciment de notre société. Aussi une inquiétude car elle est fragile. Nous devons la défendre, réaffirmer ses principes de solidarité et la rendre durable.
- Quels sont aujourd’hui, selon vous, les défis majeurs auxquels la Sécurité sociale doit faire face (financement, prévention, vieillissement, inégalités d’accès aux soins…) ?
Tous sont majeurs, mais le financement me semble être LE défi majeur auquel doit faire face la Sécurité sociale. Sans financement, avec un déficit structurel de la branche maladie, nous ne pouvons pas investir dans les autres. Pour cela, il faut nous projeter à long terme et renoncer à l’annuité budgétaire. Il faut également mettre tous les acteurs autour de la table : professionnels de santé, usagers, complémentaires santé, Assurance Maladie, Pouvoirs Publics… pour réfléchir à une réforme de fond sans dénaturer notre système de protection sociale.
L’autre défi à relever, c’est de faire mieux en prévention. Si nous parvenons à faire plus de prévention, nous pourrons agir sur les dépenses de santé qui continuent de croître, cela s’expliquant en partie par le vieillissement de la population. Aujourd’hui, la prévention peut être réellement efficace pour lutter contre les maladies chroniques car elles sont évitables. Reconnaître la prévention comme une prestation serait déjà une avancée.
- En quoi l’action mutualiste complète-t-elle ou renforce-t-elle l’action de la Sécurité sociale ?
La prévention est justement une des forces de notre action mutualiste. Les mutuelles sont très engagées dans ce domaine et ont beaucoup à apporter. Elles sont prêtes à le faire en partenariat avec l’Assurance Maladie. Aujourd’hui, c’est au cas par cas, les CPAM mènent des actions de leurs côtés et selon les liens sur les territoires, la Mutualité est associée. Il faudrait que ce soit systématique et idéalement impulsé par la CNAM. Nous avons également un rôle d’information important à jouer en tant que conseiller mutualiste dans les CPAM.
Un autre domaine où nous pourrions être complémentaires est celui de la lutte contre la fraude. La Mutualité peut détecter des dérives que l’assurance maladie ne détecte pas forcément, et inversement. Il faut donc être ensemble autour de la table pour pouvoir mieux avancer dans ce domaine et rendre notre système de santé plus efficient.
Les États généraux de la Santé et de la protection sociale lancés lors du 44ème congrès à Agen en juin dernier par notre Président Éric Chenut vont permettre de trouver des solutions et d’aboutir à des propositions concrètes pour réformer en profondeur notre système de protection sociale. Ces états généraux vont démarrer en donnant la parole au grand public sous forme de questionnaire dès le mois de novembre. C’est une véritable démarche participative et démocratique.
- Quels messages souhaiteriez-vous adresser aux jeunes générations qui connaissent parfois moins l’histoire et les valeurs de la Sécurité sociale ?
La Sécurité sociale est un socle, un système solidaire qu’il faut préserver. Il aide, accompagne et protège tous les citoyens durant tout leur parcours de vie. Nous devons leur expliquer ce qu’est la Sécurité sociale. Les forum jeunes organisés par la Mutualité Française en 2024 étaient en cela très intéressants pour échanger et parler avec eux. C’est une démarche à reconduire.
- Enfin, si vous aviez un vœu pour les 80 prochaines années de la Sécurité sociale, quel serait-il ?
Qu’elle dure déjà au moins encore 80 ans. Que l’on ait réussi à la faire évoluer tout en gardant les valeurs qui la fondent. Une Sécurité sociale en meilleure santé financière et pérenne.
Mon mandat s’arrête en avril 2026. Je souhaiterais dire aux nouveaux qui vont prendre la relève, que c’est une expérience très enrichissante. On apprend beaucoup sur le monde de la protection sociale et on découvre des personnes qui ont eu des parcours différents avec lesquelles on échange nos points de vue, mais toujours dans le respect. Pour lever certaines inquiétudes quant à la formation, je souhaiterais également souligner que nous sommes très bien accompagnés par la MFB et la FNMF.