Mut’Info Bretagne #34

La santé mentale des jeunes

« J’avais 20 ans. Je ne laisserai à personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». Ainsi s’ouvrait le livre de Paul Nizan, Aden Paradis, paru en 1931. Qu’en est-il aujourd’hui, presque cent ans plus tard ? Ces propos sont-ils encore d’actualité ? Eh bien, oui ! Les rencontres récentes avec des jeunes, à Brest, initiées par la Mutualité, nous apprennent que nos jeunes ne vont pas bien. Des chiffres aident à prendre la mesure du phénomène : selon Santé Publique France, 75 % des troubles psychiques débutent avant l’âge de 24 ans, et le Conseil des ministres du 19 mars 2025 révélait que 40 % des 18-24 ans souffraient aujourd’hui de dépression modérée à sévère, contre 26 % avant la crise sanitaire. La Mutualité Française a publié le 2 septembre une étude menée par l’institut Terram et l’institut Montaigne : La santé mentale des jeunes dans les territoires, qui permet d’y voir plus clair mais confirme le diagnostic déjà dressé. Des explications sont avancées : caractère anxiogène du monde aujourd’hui, guerre à nos portes, défis écologiques à relever, réchauffement climatique que l’on ne parvient pas à maîtriser, perte de l’humain avec le développement de l’intelligence artificielle, des réseaux sociaux, et difficulté bien réelle de se projeter dans un monde à ce point instable. La COVID et l’expérience traumatisante du confinement sont, sans aucun doute, également passées par là.

La Mutualité Française ne découvre pas le sujet et encore moins l’importance de la santé mentale, indissociable de la santé globale. Depuis longtemps, elle œuvre pour la reconnaissance et la déstigmatisation des malades mentaux. Elle a contribué à ce qu’aujourd’hui le sujet soit moins tabou[1]. Souvenons-nous, par exemple, de la lutte menée et gagnée pour que lors de la COVID, les consultations de psychologues soient remboursées. Elle s’est donc félicitée tout naturellement du choix de faire de la santé mentale la grande cause nationale et a encouragé , avec succès, des mutuelles à rejoindre le collectif créé à cette occasion. Son dernier congrès de juin 2025 a poursuivi ce travail, en mettant en lumière, par exemple, deux initiatives menées par des jeunes pour des jeunes : le dispositif « attention aux autres » de l’association Astrée[2], ou bien encore l’application Lyynk [3] de Miel Abitbol, jeune influenceuse.

Qu’en est-il de la Mutualité Française Bretagne ? Elle n’est pas en reste, bien sûr, et ne ménage pas sa peine, dans une région où le taux de suicide est particulièrement élevé et constitue la deuxième cause de décès chez nos jeunes (après les transports). Elle porte depuis longtemps, avec le soutien de l’ARS, des collectifs nommés MISACO, organise des soirées docu-débat pour le grand public afin d’ouvrir le dialogue, et permet également des temps de réflexion, d’échanges et d’interconnaissance pour les professionnels, les élus et les bénévoles. À la suite d’un rapport adopté par le CESER Bretagne en 2023 sur la santé mentale des jeunes, elle s’est aussi dotée d’une exposition en images, qui peut facilement être empruntée, pour que cette étude et ses  préconisations soient connues et circulent  dans le territoire. Elle propose également depuis plus de deux ans, des actions de sensibilisation à la santé mentale auprès des jeunes, en liaison avec les MFR, les missions locales ou les lycées professionnels ou organise des webinaires, récemment à la chambre des métiers de Bruz. La liste n’est ni exhaustive ni close[4]: des actions, en octobre dans le cadre des Semaines d’Information sur la Santé Mentale (SISM), se préparent, notamment avec les universités, et une réflexion sur la construction d’un escape game spécifique se poursuit …

Alors, en cette période délicate de fin de vacances et de rentrée, ayons à la fois un œil particulièrement attentif sur nos jeunes et sur les éventuels signes de déprime -à ne pas laisser s’installer dans le temps- mais aussi sur les efforts déployés pour y remédier …Oui, faisons en sorte qu’ensemble, au risque de faire mentir Paul Nizan, 20 ans reste un bel âge de la vie !

 

Corinne Olaondo

Vice-présidente de la Mutualité Française Bretagne

[1] Le livre « Intérieur Nuit » de Nicolas Demorand, décrivant son quotidien de «  malade mental » et le  premier livre d’Adèle Yon « Mon vrai nom est Elizabeth », qui retrace la vie de sa grand-mère à une époque pas si lointaine où cette maladie était  niée et cachée,  participent  ainsi de ce mouvement .

[2]Le  dispositif, en place dans 8 académies et 32 collèges, vise à prévenir les troubles de santé mentale en formant des élèves à l’écoute active et à l’empathie. Il agit en deux temps : d’abord une action de sensibilisation de l’ensemble des élèves de 4e d’un établissement à l’écoute ; puis l’accompagnement d’élèves « bienveilleurs » volontaires capables de détecter les signaux de mal-être de leurs camarades.

[3] L’application LYYNK est une application de confiance dédiée au bien-être des jeunes et une boîte à outils qui peut renforcer la relation entre les jeunes et leurs adultes de confiance

[4]N’hésitez pas à suivre ce lien : https://www.mutualiteetvous.fr/jcms/10378377_BlogPost/actions-labellisees-grande-cause-nationale