Illustrateur Pierre Bunk du collectif La Vilaine : collectif rennais d'illustrateur.e.s et auteur.e.s BD qui publie une revue du même nom et souhaite valoriser la BD rennaise et ses talents.
Lorsque j’ai commencé à travailler à « Brest-même », j’ai découvert l’expression : « y’a du goût » ! Cette formule n’a pas vraiment à voir avec la saveur. Il faut plutôt la traduire par le fait de prendre du plaisir à faire quelque chose. L’expression me semble toute trouvée pour introduire notre lettre d’information #13 dédiée à l’alimentation.
Y’a du goût !
Oui, y’a du goût à rédiger un édito sur l’alimentation parce que c’est un thème qui favorise la discussion. Lancez le sujet et vous verrez les conversations s’animer autour de recettes de cuisine, de bonnes adresses, de la qualité des produits, du pouvoir d’achat, de la consommation locale, de problèmes de santé, etc.
Y’a du goût à aborder le thème de l’alimentation parce qu’il mobilise aussi de nombreux acteurs de terrain. Il faut reconnaître qu’il y a aujourd’hui foison d’initiatives dans le domaine de la prévention et de la solidarité alimentaire.
Y’a du goût à parler d’alimentation parce que le sujet est vaste et appelle une approche globale. Lorsqu’à la Mutualité, nous animons des actions d’éducation à l’alimentation, il n’est pas rare que nous commencions les ateliers par la question : « Pourquoi mange-t-on ? ». Cela permet alors à tout un chacun de prendre conscience que l’acte de manger ne répond pas seulement à un besoin physiologique mais également à un besoin psychologique et à un besoin social. Les sociologues désignent l’alimentation comme un « fait social total » car les pratiques alimentaires sont le résultat d’un grand nombre de déterminants économiques, sociaux, culturels, environnementaux, etc. Aborder l’alimentation sous l’angle de la promotion de la santé est alors important pour aller au-delà d’une approche individuelle et comportementale, et pour agir sur les inégalités sociales de santé.
Y’a du goût à traiter le sujet de l’alimentation parce que les modes de consommation et les pratiques alimentaires se transforment. Ces évolutions prennent une coloration particulière en Bretagne, région de production agricole, maritime et agroalimentaire. Les différentes filières alimentaires bretonnes constituent des piliers importants du développement économique et de l’emploi. L’étude de la section prospective du CESER (Conseil Économique, social et Environnemental Régional) de Bretagne, « L’alimentation en Bretagne à l’horizon 2050 : quels enjeux de société ? », montre que la Bretagne est à la fois l’espace idéal pour repenser l’alimentation mais aussi l’espace où c’est le plus difficile. Faire société autour de l’alimentation en Bretagne représente un véritable défi à relever.
Y’a du goût à réfléchir sur l’alimentation car elle soulève de nombreux enjeux : enjeu politique (autour de l’alimentation durable, autour de l’aide alimentaire), enjeu économique (avec le poids de l’industrie agroalimentaire), enjeu environnemental (avec l’impact de la production alimentaire sur les sols, la biodiversité, l’eau et l’air), enjeu sanitaire. On peut s’attarder sur ce dernier enjeu.
Y’a du goût, en tant qu’acteur de santé, à mettre en évidence les liens forts qui existent entre l’alimentation et la santé. Le rôle d’une mauvaise alimentation est en effet prouvé pour de nombreuses pathologies : cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, surpoids et obésité ou encore ostéoporose. Ces pathologies liées à l’alimentation sont devenues une cause majeure de décès. Au-delà de leur impact sur la mortalité, ces pathologies entraînent également une dégradation de la qualité de vie et un vieillissement en mauvaise santé, le tout avec des coûts considérables pour le système de santé. Si l’alimentation a cette particularité d’être un facteur de risque pour de nombreuses maladies, elle est un facteur de risque évitable, d’où l’importance de mener des actions de prévention d’envergure.
Y’a du goût à considérer l’alimentation car elle se révèle finalement l’affaire de tous. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à être des consom’acteurs et à revendiquer une alimentation saine et durable. Faire des choix responsables, s’engager dans la transition alimentaire nécessitent toutefois d’avoir les ressources suffisantes tant financières que socio-culturelles. Or une fracture alimentaire tend à se creuser entre ceux qui peuvent accéder à un bien manger et ceux qui ne le peuvent pas.
Y’aurait donc du goût à promouvoir un droit à l’alimentation pour toutes et tous. Cela permettrait de sortir d’une approche caritative et d’une logique de dépendance alimentaire et d’assistanat et de prendre en compte les besoins de dignité, de participation à une alimentation durable. Y’aurait du goût à aller vers une démocratie alimentaire.
Fabienne Colas Mutualité Française Bretagne
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