Mal-logement en Bretagne : les réponses restent insuffisantes

Stéphane Martin Directeur Agence Bretagne de la Fondation Abbé-Pierre

En 2021, du fait de la crise sanitaire et sociale, le mal-logement et la précarité se sont rapidement aggravés en Bretagne. La Fondation Abbé Pierre est depuis toujours mobilisée sur ce sujet.
Stéphane MARTIN, directeur de l’Agence Bretagne de la Fondation, revient sur quelques éléments de contexte.

Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les missions de la Fondation au niveau régional ?

Une de nos missions consiste à établir des diagnostics sur le mal-logement et la précarité en Bretagne. Ces études nous permettent de sensibiliser les pouvoirs publics, les collectivités et les instances locales sur ces questions toujours préoccupantes.

Il s’agit bien sûr de défendre les mal-logés, mais aussi d’inciter les pouvoirs publics, les associations, à aller encore plus loin dans les réponses à leur apporter.

Notre autre enjeu est de soutenir les projets de lutte contre le mal-logement et la précarité, y compris énergétique, par des financements et des fonds d’urgence.

Nous sommes finalement des animateurs de solutions : nous créons des passerelles, en proximité, entre le logement, la santé et l’accompagnement social, et entre des partenaires qui souvent ne se connaissent pas ou peu.

Quelle est la situation du mal-logement et de la précarité en Bretagne ?

La région était relativement épargnée par le mal-logement, et le taux de pauvreté est le plus faible de France (10,9 %), même si depuis deux ans, on observe une aggravation.

Les plus pauvres résident principalement dans les quartiers dits sensibles des métropoles, et dans les zones rurales (souvent des personnes seules, avec une petite retraite), dans des logements souvent énergivores, voire indignes.

Cependant, la situation reste très fragile, notamment depuis la crise Covid : les loyers sont de plus en plus chers, les prix à l’achat également, et bientôt les plus fragiles ne pourront plus se loger dans le privé. Il y a une totale inadéquation entre les niveaux de loyers et les revenus des ménages. Cette situation nous inquiète évidemment, même s’il y a une prise de conscience des élus, de l’état et de la région à travers son futur plan de lutte contre la précarité.

Quelles solutions permettraient d’améliorer la situation ?

Construire plus vite et moins cher, et surtout créer du logement abordable.

Nous avons peu de logements vacants dans les grandes villes, mais beaucoup en ruralité. De plus, la proportion des résidences principales diminue au profit des résidences secondaires et des logements vacants. En 50 ans, le nombre de résidences secondaires a été multiplié par 3,2 (contre 2,8 en France métropolitaine). Il faudrait pouvoir racheter ces logements vacants auprès des propriétaires, ou encore leur proposer des baux de longue durée pour en faire du logement très social. Mais il reste la question de la rénovation qui ne va pas assez vite.

La problématique du logement concerne également les jeunes, notamment ceux de moins de 25 ans, qui ne touchent pas le RSA. Leur situation s’est fortement dégradée depuis la crise.

Pas de logement, pas d’emploi et inversement, et nous n’avons pas assez de logement sociaux-jeunes en France.

Il faudra trouver des réponses collectives : avec 12 % de logements sociaux dans le parc de résidences principales, la Bretagne fait partie des régions les moins bien dotées (la moyenne nationale étant de 17,3 %).

Vous nous avez parlé du coût des logements. Y a-t-il également une question d’accès aux droits ?

C’est un vrai sujet : les aides personnalisées au logement, les aides à la rénovation et aux factures énergétiques… Il est difficile de toucher les personnes les plus vulnérables.

Fracture numérique et complexité de ces dispositifs d’aide sont souvent à l’origine de ce non-recours. On observe en revanche que les ménages qui ont connaissance de ces aides vont largement les mobiliser, or ce ne sont généralement pas les plus pauvres.

Et que pensez-vous du dispositif de vente HLM ?

On a besoin de logements HLM : les demandes ont augmenté de 14,5 % en un an en Bretagne, et nous n’en construisons pas assez. Cela paraît donc incompréhensible de vendre des logements déjà insuffisants pour pouvoir en construire d’autres. Il faut au contraire augmenter le nombre de locations.

En revanche, si ce sont les locataires HLM qui achètent, c’est plutôt positif en termes d’accessibilité à la propriété.

Jusqu’ici, les logements HLM ont plutôt été des logements de rotation. Mais depuis 2 ans, les gens ne bougent plus, et les demandes augmentent en milieu rural. Comme on construit moins, il y a un risque d’embouteillage.

Selon les plafonds de ressources, on estime à 70% la part de la population bretonne qui pourrait demander à bénéficier d’un logement social. Or aujourd’hui, ça se concentre sur les revenus les plus bas pour lesquels nous n’avons pas toujours les réponses.

Le 5 avril prochain à Rennes, la Fondation Abbé Pierre présentera son 27ème rapport sur « l’état du mal-logement en France et en Bretagne »

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