- Pouvez-vous vous présenter s’il vous plaît ?
Je m’appelle Anne Gandais, je suis présidente de la Fédération Unie des Auberges de Jeunesse (FUAJ) depuis 2020, je siège au conseil d’administration de l’UNAT Bretagne et je suis trésorière de l’UNAT nationale. Je représente également l’UNAT Bretagne à la CRESS de Bretagne.
- En quoi consiste exactement le tourisme responsable et durable selon vous ?
D’après moi, le tourisme durable doit être ancré sur le territoire, et le respecter, avec pour objectif de faire le mieux avec le moins de ressources possibles. La plupart de nos structures sont labellisées clef verte ou tourisme écologique. Nous adoptons donc certains comportements autour de l’utilisation de l’eau, des ressources naturelles, des achats.
Le tourisme responsable, quant à lui, doit permettre au plus grand nombre de pouvoir partir en vacances. Il faut savoir qu’aujourd’hui 4 Français sur 10 ne partent jamais en vacances.. Notre objectif est de laisser le moins de personnes possible sur le côté. C’est aussi faire comprendre, que partir en vacances, ce n’est pas forcément partir loin, ça peut être juste partir à 15 km de chez soi, parfois cela suffit à être dépaysant.
- Comment cela se traduit-il concrètement ?
Cela commence par des tarifications les plus justes possibles. Le peu d’argent que la structure peut gagner est réinvesti dans l’hébergement ou les activités. Il n’y a pas de lucrativité au sens propre du terme. Et quand on est hébergeur, il s’agit aussi de mettre en place certains outils, comme des tarifs en fonction du quotient familial, ou de travailler avec des associations qui permettent à des personnes en difficulté de partir en vacances, comme Vacances et Familles, Vacances ouvertes ou le Secours Populaire. Il faut comprendre que parmi les 4 Français sur 10 qui ne partent pas en vacances chaque année, 80% d’entre eux ne sont jamais partis en vacances, ou n’ont jamais fait de classes découvertes dans le cadre scolaire. C’est donc quelque chose qui ne s’improvise pas pour ce public, et il est nécessaire de les acculturer aux vacances Travailler avec des associations dont c’est l’activité principale permet ainsi au plus grand nombre de partir. Nous sommes aussi partenaires de la CAF, ce qui nous permet de labelliser certains établissements. Nous sommes également vigilants à mixer tous les publics.
Il y a une seconde problématique, qui est l’organisation des journées et des loisirs sur place : les personnes qui ne partent jamais en vacances ont tendance à reproduire leur quotidien sur leur lieu de séjour au lieu de profiter des infrastructures et animations C’est pour cela que certaines associations font appel à des bénévoles pour accompagner les familles vers les loisirs.
- Comment l’UNAT Bretagne accompagne-t-elle les structures touristiques dans une démarche de responsabilité environnementale et sociale ?
L’UNAT Bretagne rassemble, représente et accompagne les principaux acteurs touristiques à but non lucratif, engagés en faveur du départ en vacances de qualité pour le plus grand nombre. L’équipe se compose de 3 personnes, dont une chargée de mission tourisme durable et communication. Elle se concentre plus particulièrement sur le déploiement des labels et certification comme Ecolabel Européen, la Clef Verte, Chouette Nature…. Au sein de nos démarches qualités @QUB, un nouveau volet concernant le tourisme durable a été ouvert. C’est un dispositif d’auto-certification interne aux structures, qui facilite la mise en relation et le partage des problématiques. Organisme de formation certifié, l’UNAT Bretagne propose régulièrement des formations sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et la gestion des biodéchets, la cuisine alternative végétarienne, ou encore l’intégration des denrées biologiques dans les services de restauration…
Nous travaillons aussi avec la Clef Verte, qui est une labellisation reconnue. L’UNAT fait partie de ses membres partenaires, et nous accompagnons les structures dans l’obtention de ce label. Par exemple lors d’un conseil d’administration, nous pouvons organiser une table ronde ou des formations informelles sur des thématiques spécifiques (inclusion, gestion de l’eau ou gestion des espaces verts). L’UNAT Bretagne a écrit avec la FNHPA Bretagne (Fédération Nationale de l’Hôtellerie de Plein Air), et les campings en l’occurrence, un recueil sur la gestion des espaces verts, il y a tout un volet sur les bonnes pratiques en matière de plantations en Bretagne.
Notre objectif est d’accompagner les structures sous forme de conseils, et cela, sur la base du volontariat, tout en stimulant les échanges de bonnes pratiques.
- Comment le tourisme durable évolue-t-il en Bretagne vs en France ?
Je pense qu’au niveau de la région Bretagne, il y a une volonté politique forte d’accompagner le tourisme en centre-Bretagne et de lutter contre la surfréquentation sur les côtes.
Au niveau national, cela se joue région par région, car désormais, la compétence du tourisme est une compétence régionale. Toutes les régions tendent aujourd’hui à développer le tourisme vert et doux. Mais il y a également une problématique autour du transport : quand on n’a pas de moyen de locomotion, comment fait-on pour faire du tourisme en centre-Bretagne ? L’objectif est avant tout de désenclaver certains territoires, ce qui passe nécessairement par une politique de transport réellement ambitieuse et volontariste.
Qui sont les profils les plus sensibles au tourisme durable ?
Spontanément, j’aurais envie de dire les trentenaires. Maintenant, je m’aperçois que les quinquagénaires le sont aussi. Quand on vit dans une région touristique, et plus encore si on vit dans des villes très touristiques, on a tendance à s’intéresser à la manière dont on accueille les gens, et leurs impacts sur l’environnement. Je suis également conseillère municipale, et je défends beaucoup l’idée qu’il est important de prendre soin de nos touristes, mais qu’il faut aussi que cela profite à tout le monde, toute l’année. Ce n’est pas la taxe de séjour qui va permettre de financer de gros équipements, mais les impôts locaux. J’estime qu’il est important de toujours réfléchir à cet équilibre entre habitants et touristes, et aux variations du nombre d’habitants, entre semaines et week-ends par exemple. Il faut travailler avec les habitants sur ces sujets qui se posent, aussi ces questions, avec une envie d’avoir un tourisme et des relations, tous deux apaisés. C’est tout cela qui va donner de la durabilité aux activités, et aura le moins d’impact négatif sur les territoires.
- Le tourisme durable souffre-t-il de préjugés ? Quelles difficultés peut-il rencontrer auprès de sa clientèle ?
Quand on entend tourisme durable, on a parfois le sentiment que c’est un tourisme pour les « bobos », il y a donc beaucoup de gens qui pensent que ce n’est pas pour eux.
Ce qu’il est intéressant d’observer, c’est que dans les équipements collectifs (campings, villages vacances, auberges de jeunesse), les vacanciers ne vont pas avoir les mêmes comportements que chez eux, par rapport à l’utilisation de l’eau notamment. Chez eux, les gens se lavent une fois par jour, alors que là, ils peuvent prendre 2, 3, voire 4 douches par jour suivant leurs activités (sport, bain de mer…). Les établissements ont donc beaucoup à faire au niveau éducatif. Certains campings pensent à condamner l’accès aux douches l’après-midi pour éviter ce type de dérives, d’autres à revenir à un système de jetons. Il y a réel enjeu sur la gestion de l’eau au sein des établissements, la question des piscines est également prégnante.
Il faut parvenir à trouver l’équilibre qui va permettre aux uns et aux autres de passer de bons moments, mais également à l’exploitant de limiter son impact sur l’environnement.
Nous observons aussi des problématiques liées à la question des plateformes de réservation, par lesquelles de nombreuses personnes arrivent sur ces lieux de vacances responsables et solidaires, sans même connaître les valeurs de l’établissement (la mixité, le savoir vivre ensemble, le partage…). Et là, nous avons un gros travail d’éducation et de pédagogie dès l’arrivée du vacancier. Cela démarre déjà par nos équipes, certains salariés n’ont pas forcément pris conscience qu’ils travaillaient pour une association d’éducation populaire.
L’UNAT permet de combiner les forces, et de partager les connaissances sur certaines thématiques, par exemple, dernièrement sur le végétarisme. Notre objectif est de créer des interactions entre les structures, afin qu’elles se rendent compte qu’elles rencontrent toutes les mêmes problématiques. Problématiques et réussites doivent être partagées !
- Dernière question : quels conseils pouvez-vous donner aux Bretons qui s’apprêtent à partir en vacances pour voyager durable et solidaire cet été ?
Rester en Bretagne, et aller voir dans un rayon assez proche de chez eux. Rester le plus proche possible de chez soi pour apprendre à connaître sa région, découvrir le centre-Bretagne. Ils peuvent se référer au site de l’UNAT pour trouver des logements labellisés. Et ne pas oublier qu’on peut facilement être dépaysé dans un rayon de 100 km.