Alors que les usages numériques se sont imposés dans nos quotidiens, le dernier rapport publié par l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) estime à plus de 31% des personnes âgées de 18 ans et plus en France métropolitaine comme « éloignés du numérique ». En Bretagne, le PorTReA (Portrait Territorialisé de la Relation E-Administrative) estime à plus de 900 000 les personnes concernées par des fragilités socio-numériques. La dématérialisation des démarches administratives et la numérisation de notre société, produisent des ruptures de droits pour les personnes éloignées du numérique, y compris en matière de santé. Le Hub Bretagne accompagne les acteurs de la médiation numérique avec pour objectif principal de proposer des actions pour les personnes les plus éloignées du numérique.
Antoine Potier, vous êtes responsable du Hub Bretagne pour un numérique inclusif, pouvez-vous vous présenter ainsi que le Hub ?
Je suis salarié de la Fédération des Centres Sociaux de Bretagne et chef de projet sur la phase d’amorçage du Hub Bretagne pour un numérique inclusif.
C’est une structure de coopération et de mutualisation qui anime le réseau des métiers et acteurs de la médiation numérique. Elle est portée par la Fédération des Centres Sociaux de Bretagne pour le compte de la Région Bretagne, le SGAR Bretagne, Rennes Métropole, Brest Métropole, le département du Finistère.
Qu’est-ce que la médiation numérique ?
C’est tout ce qui concourt au transfert de compétences et du pouvoir d’agir vis-à-vis des outils numériques. Il s’agit d’un accompagnement sur les usages auprès de tout un chacun.
Par exemple, un médiateur numérique peut accompagner pour l’utilisation des réseaux sociaux, d’une messagerie en ligne, des démarches en ligne, la réalisation d’un curriculum, l’utilisation de Pronote (le carnet de liaison numérique utilisé à l’école) etc.
L’objectif est d’aider les Bretons à être autonomes avec le numérique, surtout celles et ceux qui en sont les plus éloignés.
Qui est concerné par la médiation numérique ?
On pense souvent aux personnes âgées, mais ce n’est pas tout. De plus en plus de jeunes, mais aussi des actifs, sont également concernés.
Les dernières études montrent que l’éloignement du numérique s’explique par des facteurs socio-économiques et culturels. Et ce sont malheureusement les plus éloignés qui ont le plus souvent besoin du numérique, pour accéder à leurs droits par exemple (personnes handicapées, jeunes précaires, bénéficiaires des minima sociaux), qui y accèdent le plus difficilement.
Elles ont besoin de se connecter plus souvent que les autres dans la mesure où les services publics sont de plus en plus dématérialisés.
En Bretagne, 89% de la population est équipée numériquement. C’est un très bon taux. L’utilisation du smartphone par les jeunes est assez bien répandue.
En revanche, l’utilisation d’un ordinateur, d’un scanner, d’une imprimante, d’une souris est moins évidente. Lorsque les gens n’y arrivent pas, cela revient dans les mains des centres sociaux, mairies, médiathèques, bibliothèques, etc.
Quelle est l’ampleur de la tâche en Bretagne en matière d’inclusion numérique ?
On estime à plus de 900 000 les Bretons potentiellement en situation d’éloignement numérique (source PorTReA : calcul de la vulnérabilité administrative). Beaucoup de gens craignent encore les démarches numériques et ne les font pas par crainte de l’erreur (cliquer sur le mauvais bouton, tout effacer par erreur …).
Parallèlement, nous sommes tous potentiellement aidants numériques, auprès de nos familles, parents, collègues, voisins par exemple.
Quels sont les impacts sur la santé de cet éloignement numérique ?
Il y a d’abord le renoncement au soin : aujourd’hui la prise de rendez-vous passe majoritairement par le numérique (Doctolib principalement). Les résultats des examens sont aussi souvent envoyés par e-mail.
Le renoncement aux soins est synonyme de coûts supplémentaires pour l’Etat, car si les gens ne peuvent pas se soigner, cela aboutit à des dépenses de santé souvent croissantes.
L’autre impact est l’isolement social. Cela s’est beaucoup vu pendant la période du confinement. L’exclusion numérique renforce l’isolement des personnes déjà isolées.
Le numérique est devenu un canal incontournable pour créer ou alimenter ses liens sociaux.
Quels sont les leviers pour agir ?
Il faut continuer à accompagner la dématérialisation et la numérisation de notre société, sans déshumaniser.
Il faut aussi une reconnaissance des métiers du numérique, les rendre visibles et les valoriser, pour les sortir d’une certaine précarité.
La plupart des gens ne savent pas ce qu’est la médiation numérique, alors qu’elle joue depuis plus de 20 ans un rôle essentiel de compréhension des enjeux, usages et technologies du numérique. Il faut communiquer, vulgariser, et créer des passerelles entre les prescripteurs (agent pôle emploi par exemple) et les médiateurs numériques.
Pour en savoir plus : cliquer
Contact : antoine.potier@hub-bretagne.net