Depuis 2014, il est demandé aux entreprises de prendre en compte le genre dans l’évaluation des risques professionnels. Dans les faits, beaucoup de chemin reste à faire. Depuis 2016, un comité composé notamment de la DIRECCTE de Bretagne et de la Direction Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité, agit pour évaluer les inégalités femmes hommes au travail, informer sur la nécessité de prendre en compte ces différences en entreprise et expérimenter des documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) genrés.
Depuis 2014, il est demandé aux entreprises de prendre en compte le genre dans l’évaluation des risques professionnelles. Malheureusement, la mise en œuvre par les entreprises reste encore marginale.
En Bretagne, le Plan Régional Santé au Travail n°3 (PRST3), décliné entre 2016 et 2020, s’est saisi du sujet en intégrant un projet « Santé au travail des femmes », co-piloté par Ahez Le Meur, Directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité. Un état des lieux, réalisé par l’ORSB (Observatoire Régional de la Santé en Bretagne) a mis en évidence des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes en Bretagne : concentration des femmes dans quelques filières professionnelles (le soin et le care notamment), difficultés d’accès à l’emploi et aux postes à responsabilité, écarts de rémunération importants, très forte proportion de femmes parmi les temps partiels et les familles monoparentales … Les femmes sont plus exposées aux horaires décalés, aux tâches répétitives, à la détresse humaine dans le monde de la santé, avec à la clé plus de détresse psychique ; l’ensemble de ces éléments a des conséquences sur la santé au travail des femmes : plus d’une maladie professionnelle sur deux en Bretagne concerne une femme, soit près de 1600 maladies professionnelles indemnisées/an. Pour la tranche d’âge 40-59 ans, 3 maladies professionnelles sur 4 concernent les femmes. De même, le taux de signalement de maladies à caractère professionnel est significativement plus élevé chez les femmes, quelle que soit la catégorie professionnelle.
En 2019, une plaquette de sensibilisation et d’information a été réalisée afin de mettre en évidence des conditions de travail différentes entre les hommes et les femmes. S’en est découlé une journée régionale d’information auprès de acteurs de prévention qui a généré des attentes sur les solutions à mettre en œuvre. Ces travaux bretons ont été valorisés au niveau national afin qu’une approche genrée soit prise en compte dans le Plan National Santé au Travail. Ce fut chose faite.
Le PRST 4 breton (2022 – 2025) poursuit naturellement les travaux enclenchés dans le plan précédent. Il s’agit cette fois mettre en application ces réflexions dans une démarche inédite d’évaluation et de prévention sexuées des risques professionnels en milieu de travail réel. Ainsi, depuis 2021, une entreprise de transports a accepté de tester l’élaboration et la mise en œuvre d’un DUERP sexué. Une attention particulière est portée sur le risque de violence sexiste et sexuelle au travail. L’étude de l’ORSB a en effet mis en évidence que 32 % des femmes déclaraient avoir subi un harcèlement ou une agression sexuelle sur le lieu de travail au sens juridique du terme.
Une deuxième entreprise du secteur agro-alimentaire s’est lancée dans l’expérimentation plus récemment. Il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions, mais il ressort déjà qu’un soutien fort des directions et une implication des CSE (comités sociaux et économiques) semblent indispensables.
Un travail de pédagogie, d’explication reste également à faire pour lutter contre les idées reçues. Non, les femmes ne prennent pas moins de risques que les hommes : en France, la baisse globale des accidents du travail depuis 2001¹ masque leur progression chez les femmes : + 28 % entre 2002 et 2015 (- 15,3 % chez les hommes)². Non, les femmes n’occupent pas des postes moins difficiles et moins exigeants que ceux des hommes : si la progression des maladies professionnelles concerne l’ensemble de la population, elle est deux fois plus rapide chez les femmes entre 2001 et 2015 (+ 155 % contre + 80% chez les hommes)², victimes essentiellement de troubles musculosquelettiques, avec un indice de gravité supérieur. Non, les femmes ne sont pas plus fragiles que les hommes. Il s’agit d’un stéréotype social évoquant la différence de force physique ou de résistance psychique entre hommes et femmes. Du point de vue psychique, aucune différence de « fragilité » ou de « vulnérabilité » entre hommes et femmes n’est démontrée.
Autre conclusion pouvant déjà être tirée : plus les différences entre hommes et femmes seront prises en compte, plus les actions de prévention des risques mises en œuvre en entreprise pourront être personnalisées. Cela vaut aussi pour les hommes. Dans l’équation, tout le monde ressortirait donc gagnant.