Congé menstruel : c’est pour quand ?

Si aujourd’hui un cadre existe dans notre pays pour permettre que le travail s’exerce dans des conditions satisfaisantes sur le plan sanitaire, la santé menstruelle au travail n’est pas prise en compte, plaçant les femmes dans une situation de fragilité en raison de leurs règles.

D’autres pays ont pourtant déjà ouvert la voie à une législation permettant aux femmes de s’absenter de leur travail en raison de leurs règles. C’est ainsi le cas du Japon et de la Corée du Sud, où ce congé est très majoritairement sans solde, ou encore de l’Indonésie, de Taïwan et de la Zambie, qui prévoient pour leur part le paiement des congés menstruels.

En Europe, l’Espagne a adopté le 16 février 2023 un projet de loi pour créer un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses, devenant ainsi le premier pays européen à légiférer en ce sens.

La loi espagnole permet dorénavant un « arrêt de travail d’une femme en cas de règles incapacitantes » liées, par exemple, « à des pathologies comme l’endométriose ». Cet arrêt sera « reconnu comme une situation spéciale d’incapacité temporaire » de travail.

En France, des propositions de lois visant à la mise en place d’un congé menstruel ont été déposées au Sénat comme à l’Assemblée nationale en 2023 et 2024, mais elles ont été rejetées. Pourtant, les effets indésirables des règles douloureuses (dysménorrhée) sont bien connus et particulièrement handicapants : douleurs abdominopelviennes, crampes, spasmes, fatigue, diarrhées, maux de tête, vertiges, nausées et vomissements notamment.

Pour certaines femmes, touchées par des pathologies liées aux cycles menstruels telles que l’endométriose, ces symptômes peuvent être aggravés, et ainsi devenir d’autant plus handicapants dans leur vie professionnelle. Selon le ministère de la Santé, 2,5 millions de femmes seraient touchées par l’endométriose, soit 10 % des femmes menstruées.

Dans un sondage réalisé par l’IFOP en mai 2021, près d’une femme sur deux disait souffrir de dysménorrhée, et 20 % déclaraient même avoir des règles très douloureuses. Alors qu’ils concernent des millions de femmes, les cycles menstruels demeurent, aujourd’hui encore, un tabou dans la société.

Cette tendance est d’autant plus vraie dans le milieu professionnel. Dans une étude menée par OpinionWay en 2021, 68 % des femmes interrogées estimaient que les règles étaient un sujet tabou en entreprise. En octobre 2022, dans une autre étude de l’IFOP, 21 % des femmes interrogées disaient avoir déjà subi des moqueries ou des commentaires désagréables en raison de leurs menstruations. Plus inquiétant encore, 65 % des femmes salariées ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail, quand 35 % d’entre elles déclarent que leurs douleurs menstruelles impactent négativement leur travail. Elles sont tenues de gérer seules, souvent sans accompagnement médical, cette période douloureuse sans pouvoir bénéficier d’une pause pour celles qui en souffrent le plus. Pour illustrer la nécessité d’un arrêt menstruel, 44 % des femmes ont déjà manqué le travail, ou connaissent une personne qui a manqué le travail en raison des menstruations.

Certaines entreprises, comme Goodays ou Louis Designont déjà adopté le congé menstruel de leur propre initiative. Depuis le début de l’année 2023, plusieurs municipalités ont pris l’initiative de le mettre en place pour leurs agentes. Grenoble, Strasbourg, Lyon, Arras… À Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), ville pionnière, 15 % des 212 agentes souffrant de règles douloureuses en ont déjà fait usage depuis le 27 mars 2023.

Face au refus de certains partis politiques de légiférer sur cette question, la société civile, les entreprises, les associations doivent continuer la mobilisation pour parvenir, enfin, à la mise en place d’un congé menstruel en France.