Même si cela semble être une boutade, il est certain que l’alcool modifie le cycle du sommeil.
Le cerveau est programmé pour nous imposer le sommeil régulièrement pour plusieurs heures par jour. Cela permet à l’organisme d’assurer des fonctions nécessaires au développement et à la santé . Le sommeil est indispensable au développement et à la maturité cérébrale. Il assure des fonctions métaboliques et de développement en régulant la production de plusieurs hormones : hormone de croissance chez les enfants, cortisol, insuline, hormones de l’appétit (leptine, ghréline). Les privations chroniques de sommeil pourraient expliquer en partie l’augmentation de l’obésité et du diabète tardif.
Les cycles du sommeil
Le sommeil est composé de cycles qui durent environ 90 minutes. Chaque cycle est entrecoupé d’une phase de semi-éveil. Dans la nuit, 4 à 6 cycles se succèdent. Un cycle de sommeil est lui-même composé de différentes phases : endormissement, sommeil lent léger, sommeil lent profond et sommeil paradoxal. Chaque phase a ses caractéristiques et un rôle particulier.
Le sommeil après une alcoolisation massive
Chez le sujet sain, non alcoolo-dépendant, l’ingestion d’une grande quantité d’alcool modifie le sommeil et on observe :
- une réduction sensible de la latence d’endormissement,
- une augmentation de la quantité de sommeil lent profond (pendant la première partie de la nuit),
- une diminution de la quantité de mouvements oculaires du sommeil paradoxal,
- un sommeil fragmenté, avec des épisodes d’éveil,
- une activité onirique intense.
De ce fait, les personnes se sentent mal, après une consommation abusive d’alcool (Educ’Alcool, Alcool et sommeil, 2014 ).il y a donc un risque de ressentir de la fatigue et de ne pas être en possession de toutes ses capacités cognitives. Ceci peut être dommageable lorsque les tâches à accomplir sont complexes ou dangereuses. Plusieurs études ont montré que la capacité à accomplir des tâches d’attention partagée était affectée, et que la réussite aux tests de performance était diminuée. De plus, le risque d’accident sur la route est augmenté, en raison du retentissement sur la vigilance, le jugement et les fonctions motrices.
La prise d’alcool altère le rythme circadien des concentrations sanguines de prolactine et de cortisol (Ho Yang et al., 2021) . Des études récentes ont montré également que, chez les individus qui avaient consommé de l’alcool avant de s’endormir, la sécrétion d’hormone de croissance est moins élevée (Roehrs et Roth, 2001 ). Habituellement, la sécrétion de cette hormone est à son maximum au début des phases de sommeil lent.
Le sommeil chez le malade dépendant de l’alcool
La plainte d’un sommeil perturbé est très fréquente parmi les alcooliques (Koob et Colrain, 2020) . Bien souvent, les troubles du sommeil précèdent la maladie alcoolique : l’alcool est alors utilisé comme hypnotique. Si l’alcool permet de s’endormir plus rapidement, en revanche le sommeil va être plus agité : sommeil plus fragmenté, éveils nocturnes, réveil matinal précoce avec l’incapacité de se rendormir. Ces conséquences seraient dues principalement à un mini syndrome de sevrage, qui se produit au cours de la seconde partie de la nuit.
L’alcool va ainsi exacerber certains troubles du sommeil : l’insomnie, l’apnée du sommeil et les ronflements (Educ’Alcool, Alcool et sommeil, 2014 ).
Les insomnies
Comme le précise Catherine Paradis dans la monographie d’Educ’Alcool « Alcool et sommeil », la consommation d’alcool modifie le cycle naturel du sommeil : le sommeil paradoxal n’alterne pas correctement avec le sommeil lent. Et cette modification du cycle du sommeil est reliée à la dose (d’alcool ingérée) : une dose élevée d’alcool entraînera une augmentation de la quantité globale de sommeil lent ET une réduction de la proportion de la nuit dormie en sommeil paradoxal.
Cela devient un cercle vicieux : l’alcool est pris pour aider à s’endormir, parfois associé à des hypnotiques, et c’est l’effet opposé qui est observé ; cela aggrave l’insomnie. Une étude japonaise (Takei et al., 1987) montrait que 60% d’une population de malades alcooliques se plaignaient de troubles du sommeil, 89% prenaient des hypnotiques et 52% disaient que leur besoin de boire était augmenté par les troubles du sommeil.
Ces troubles persistent plusieurs mois après l’arrêt total de la consommation d’alcool (Brower, 2015) , période où bien souvent des benzodiazépines ont été prescrites (prévention d’un accident de sevrage).
Les apnées du sommeil
Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil est dû à des arrêts répétés de la respiration pendant le sommeil. Ces apnées répétées plusieurs dizaines de fois dans la nuit sont responsables d’un sommeil de mauvaise qualité. Ce syndrome est connu pour être associé à un risque accru de pathologies cardiovasculaires (Hypertension artérielle en particulier) et de diabète : l’alcool peut aggraver ces pathologies. L’alcool peut occasionner un relâchement anormal des muscles de la gorge qui, lui, risque d’entraîner une obstruction des voies respiratoires. L’alcool peut aussi réduire la capacité du cerveau à se réveiller et à déceler un manque d’oxygène dans l’organisme. Cette réduction de capacité peut entraîner des arrêts respiratoires plus longs et dangereux (Simou et al., 2018) : l’alcool devrait donc être supprimé chez les sujets présentant des apnées du sommeil.
Les ronflements
Ils sont souvent présents chez les sujets présentant des apnées du sommeil.
L’alcool augmente le relâchement de la musculature des voies respiratoires : cela explique pourquoi les personnes qui ont bu de l’alcool avant d’aller se coucher ronflent plus fréquemment (Burgos-Sanchez et al., 2020) .
En conclusion
Vous l’aurez bien compris : l’alcool n’est pas le meilleur ami pour bien dormir.
C’est l’un des effets observés parmi les participants à l’opération « Stoptober » au Royaume-Uni en 2016 : 71% avaient observé une amélioration de leur sommeil, après un mois sans alcool (de Visser et al., 2016) . C’est pourquoi, depuis 3 ans, cette opération « Dry January » ou « Défi de Janvier » est proposée en France à celles et ceux qui veulent faire une pause avec l’alcool.