« Et si le jour du dépassement était advenu dans le secteur de la santé et des solidarités ? » :
Rennes, le 28 septembre 2022 – Alors qu’une journée de mobilisation nationale #QuiPrendSoinDeNous a lieu ce mercredi 28 septembre, le Collectif interfédéral social, médico-social et sanitaire privé non-lucratif breton* s’est réuni au siège de l’Adapei d’Ille-et-Vilaine.
Comme il le fait depuis près de deux ans, le Collectif a une nouvelle fois alerté sur les grandes difficultés rencontrées par ses adhérents. Ceux-ci sont des établissements et services de santé, des acteurs intervenant en faveur des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, de la protection de l’enfance, du maintien à domicile, de l’insertion, ou encore de la protection juridique des majeurs.
Le Collectif utilise la comparaison suivante. Il est calculé chaque année une date correspondant au « Jour du dépassement » des ressources naturelles que la planète est capable de produire. Par analogie, il est possible de dater symboliquement au 28 septembre le jour du dépassement des ressources humaines et financières dont disposent les acteurs du secteur privé non lucratif breton du soin et des solidarités pour exercer leurs missions.
Le jour du dépassement des ressources humaines
Si les très fortes tensions actuelles pour recruter, remplacer et fidéliser les professionnels se poursuivaient au-delà du 28 septembre, des menaces en chaîne pèseraient sur les organisations et les activités du secteur.
Les conditions de rémunération, globalement trop faibles, sont l’un des facteurs explicatifs. Elles sont amplifiées par la baisse du pouvoir d’achat. Dans le champ de l’aide à domicile, par exemple, les refus de professionnels de se rendre chez des patients trop éloignés géographiquement se multiplient, en raison de frais de carburant trop élevés et mal indemnisés.
Pourtant, des mesures de revalorisation des rémunérations ont été actées par les pouvoirs publics pour une grande partie des professionnels (mesures Ségur, puis Laforcade, avenant 43 pour la branche du domicile). Le Collectif salue ces avancées, mais déplore que leur mise en œuvre soit si laborieuse, partiellement financée, et que les revalorisations ne bénéficient pas à tous. Ceci engendre un sentiment d’incompréhension et d’injustice légitimes, ainsi que des risques de déficit pour les gestionnaires.
Autre perspective à considérer, des négociations nationales viennent de débuter entre Axess et les organisations de salariés pour parvenir à un environnement conventionnel unique, plus souple et adapté aux défis rencontrés par les acteurs (emploi, formation, compétences, attractivité).
Mais, en effet, plus de 80 % des établissements et services du secteur rencontrent des difficultés de recrutement importantes. Et le phénomène s’intensifie. Dès cet été, beaucoup constataient avoir ouvert autant de postes de remplacements que sur toute l’année 2021. Partout, des départs pour des activités éloignées (industrie, grandes surfaces…) interviennent. Les postes non pourvus sont légion.
Le jour du dépassement des ressources financières
Et si le 28 septembre constituait également la date symbolique d’un dépassement des ressources financières, il faudrait s’inquiéter pour l’équilibre économique de nombreux adhérents. Et donc pour la pérennité du secteur, alerte le Collectif, qui représente des acteurs dont les financements proviennent quasi exclusivement de fonds publics.
Pourtant les projets se poursuivent. Les acteurs cherchent à tenir au mieux les contraintes budgétaires. Ils mutualisent les dépenses, optimisent celles qui n’impactent pas la qualité du service, développent le mécénat.
Mais les surcoûts sont en augmentation incessante (inflation, surcoûts de remplacement, mesures Ségur et Laforcade non couvertes à 100 %, avenant 43 dans le secteur du domicile). A titre d’exemple, les factures d’énergie sont multipliées par 3 ou 4. Le coût des travaux immobiliers explose (+ 25 % au mètre carré). Le budget d’un regroupement de 2 EHPAD passe de 20 à 30 M€. Et les financements publics des mesures de revalorisation sont incomplets et tardifs.
Des conséquences inquiétantes sur le nombre de lits et places permettant la prise en charge et l’accompagnement des usagers et personnes en situation de vulnérabilité
Si, au-delà du 28 septembre, les alertes sur les ressources humaines et financières se poursuivaient sur le dernier trimestre, il y aurait lieu de s’inquiéter fortement sur le nombre de lits et de places qui seraient fermés.
Pourtant, les acteurs représentés au sein du Collectif mettent tout en œuvre pour poursuivre et honorer leurs missions. Ils ont le souci de préserver la qualité des prises en charge et des accompagnements, de garantir des places à tous, de continuer à offrir des réponses à domicile suffisantes. Pour cela, ils peuvent être amenés à rapprocher géographiquement des activités, à organiser des séjours de répit inter-structures, etc.
Mais d’ores et déjà, la réalité est inquiétante. Des lits et des places sont fermés temporairement, des activités suspendues. Le placement sur liste d’attente s’étend désormais aux demandes d’interventions à domicile, pour les services d’aide, qui s’en trouvent priorisées et centrées sur les actes essentiels de la vie quotidienne. Pour les services de soins à domicile, plus de 900 patients sont en attente de places du fait des effectifs manquants, qui peuvent atteindre 40 % sur certains territoires. L’intégration d’un enfant en situation de handicap dans le système scolaire peut atteindre plusieurs années. Il y a en Bretagne plus de cent mesures de placement en milieu ouvert pour des enfants potentiellement en danger dans leurs familles qui ne sont pas exécutées, faute de places en établissement. Les capacités insuffisantes d’hébergement entraînent des familles avec enfants scolarisés à dormir dans la rue.
Un secteur d’activités passionnant, dynamique et innovant
Le Collectif insiste sur la diversité des opportunités professionnelles à saisir au sein d’un secteur porteur de sens, de valeurs de solidarité et d’inclusion, et qui contribue pleinement aux dynamiques d’emploi locales.
Dans tous les établissements et services de la région, les professionnels accomplissent au quotidien leurs missions avec passion. Chaque jour, le secteur dans son ensemble s’engage avec dynamisme au service de la santé des Bretons et de l’accompagnement des plus vulnérables. Les missions sont accomplies avec esprit de responsabilité, indispensable adaptation et recherche d’innovation.
Les demandes du Collectif
C’est pourquoi le Collectif lance tout d’abord un appel à toutes les personnes intéressées pour qu’elles rejoignent le secteur de la santé et des solidarités.
Par ailleurs, le Collectif demande aux pouvoirs publics :
- une équité permanente de traitement des établissements et services, quels que soient leurs statuts.
- la revalorisation de l’ensemble des salariés qui n’ont pas bénéficié des mesures Ségur puis Laforcade, et de l’avenant 43 pour la branche du domicile.
- le versement effectif aux gestionnaires des financements relatifs aux revalorisations salariales actées.
Mais, bien au-delà de mesures ponctuelles, le Collectif réclame un véritable Plan Marshall de soutien et de développement du secteur, et de l’ensemble des « métiers de l’humain » qu’il couvre. Comme l’illustre la fixation symbolique du 28 septembre comme jour du dépassement pour le secteur de la santé et des solidarités, il est urgent que ce dernier soit érigé en priorité nationale, dans la pluralité de ses activités, et soutenu financièrement dans ses capacités de réponse aux défis liés à l’augmentation constante des besoins de la population.
*Le Collectif interfédéral social, médico-social et sanitaire privé non-lucratif breton est composé de représentants des organisations ADEDOM, APF France handicap, CNAPE, FAS, FEHAP, FISAF, FNAT, Mutualité Française, Nexem, UNA, UNAPEI et URIOPSS.