Mut’Info Bretagne #35

Illustration de Marion Béchade, du collectif La Vilaine.

80 ans de Sécurité sociale : l’héritage de Croizat et l’urgence d’une révolution solidaire

On n’a pas tous les jours 80 ans. Et quand celui qui souffle ses bougies est la Sécurité sociale, c’est toute la société qui est invitée à la fête. Car cette institution, née en 1945 des cendres de la guerre et de l’espoir de la Résistance, incarne bien plus qu’un système de protection : elle est le socle d’un pacte social unique, celui qui nous permet de vivre sans craindre demain. Portée par des figures comme Ambroise Croizat « ancien ouvrier devenu ministre », la Sécu était une promesse folle pour l’époque : protéger chaque citoyen, quels que soient ses moyens, contre les aléas de la vie. Une idée simple, radicale, et toujours révolutionnaire : la santé et la dignité ne sont pas des privilèges, mais des droits.

Un modèle indispensable, mais menacé. Aujourd’hui, la Sécurité sociale est omniprésente : congé maternité, remboursements de soins, retraites… Elle est le filet invisible qui nous rattrape quand la vie trébuche. Pourtant, à 80 ans, elle est à la croisée des chemins. Menacée par les restrictions budgétaires, les discours alarmistes et les inégalités croissantes, elle doit se réinventer pour rester fidèle à son esprit fondateur. Car la Sécu, c’est nous : nos cotisations, nos impôts, notre choix de vivre ensemble plutôt que les uns contre les autres.

Comment imaginer une Sécu du XXIe siècle : L’héritage de Croizat ne doit pas être un musée, mais une boussole. Pour répondre aux défis d’aujourd’hui « précarité, déserts médicaux, vieillissement, crises sanitaires », la Sécurité sociale doit évoluer :

Une couverture pour tous et sans exception : Comment accepter que des millions de personnes (travailleurs précaires, indépendants, sans-papiers, étudiants) restent encore à la marge ? La Sécu de demain doit garantir une protection maximale à tous, sans condition de statut ou de revenus.

La prévention : agir avant la crise : Croizat le savait : soigner est indispensable, mais prévenir est encore mieux. Pourtant, notre système reste largement curatif. Il est temps d’investir massivement dans la prévention : éducation à la santé dès l’école, accès à une alimentation saine pour tous, bilans de santé annuels gratuits, et un logement décent pour chacun. Car la santé ne se résume pas à des consultations médicales : elle commence par un toit, un repas, et la dignité.

Une médecine de proximité et humaine : Les déserts médicaux et la saturation des hôpitaux sont les symptômes d’un système à bout de souffle. Pour y remédier, il faut développer les maisons de santé pluridisciplinaires, revaloriser les métiers du soins, et intégrer la santé mentale dans le parcours de soins classique, avec des consultations remboursées à 100 %.

Financer l’avenir : une question de justice sociale « Mais où trouver l’argent ? » La question revient comme un leitmotiv. Pourtant, les ressources existent : taxer les superprofits des géants du numérique et de l’énergie, lutter contre la fraude fiscale, et réorienter les dépenses vers la prévention, bien moins coûteuse que les soins d’urgence.

Un combat toujours d’actualité ? En 1945, la Sécurité sociale était une révolution. En 2025, elle doit le redevenir. L’enjeu n’est pas seulement de la préserver, mais de l’étendre et de la moderniser pour qu’elle réponde aux besoins d’une société fracturée par les inégalités. Comme le disait Croizat : « La solidarité n’est pas un vain mot. » Elle doit devenir le cœur battant de notre pacte social.

Et si les 80 ans de la Sécurité sociale étaient l’occasion de lui offrir un second souffle ? Un souffle qui en fasse enfin le rempart d’une société où personne n’est laissé de côté. Car la Sécu, c’est plus qu’une institution : c’est l’idée que demain peut être meilleur pour tous, à condition d’en prendre soin aujourd’hui.